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Nasri...Always
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18 novembre 2007

Moi et la Femme: un duopôle philosophique !!!!!!!

JE DEDIE CE TRAVAIL A TOUTES LES FEMMES,

QUE J’AI EU

LA CHANCE OU

LE COURAGE,

DE RENCONTRER SUR MON CHEMIN ASSEZ COURT.

Moi et

La Femme

Un duopole philosophique !

NASRI CHELBI


Hey Femme, L’essentiel ce n’est pas de vous plonger trop dans mes fonds, mais plutôt de savoir ce que je suis au juste, pour que l’occasion se présente à chacun d’entre nous [nous qui sommes les deux pôles d’un duopole philosophique qui existe, bien et toujours, dans mes réflexions intello, mêmes les plus  banales], pour mettre ses points sur ses «i» et pouvoir tracer ensemble une trajectoire presque lissée face au hasard de notre vie quotidienne, aux aléas de nos mutations psychologiques et les tendances sentimentales entre nous, –toi

la Femme

et moi- !!

                                                 Cordialement,

                                                          

Chère Femme, vous est-il déjà arrivé de vous laisser envahir par ce doux sentiment amoureux qui berce votre existence de la conviction d’être enfin justifiée ? Oui, j’en suis sûr... Mais vous est-il aussi arrivé de le ressentir comme pas doux du tout, ce sacré amour, carrément violent et violeur, vous arrachant à vous-même et vous laissant tout transi ? Aimer, qu’est-ce donc ? Donner, se donner, se confier corps et âme ? Recevoir, prendre, dévorer l’autre ? Se perdre ou se retrouver, le trouver ou le perdre ? Confier tout son être au bien-aimé, est-ce vraiment un cadeau à lui faire ?

Évidemment, vous la connaissez l’histoire, tout commence par le désir, ce fameux jeu de la séduction, mais là, il n’est pas encore question d’amour, plutôt de quête, de conquête... D'accord, peut-être bien qu’on est amoureux, mais on n’aime pas encore. On rêve, on fantasme, on imagine à quel point on sera heureux quand on sera enfin deux, mutuellement séduits... On rêve, on fantasme, on imagine à quel point l’autre saura nous reconnaître et révéler à la face du monde notre inestimable valeur... Du coup, évidemment, comme elle m’apparaît grande, belle et intelligente cette femme que je voudrais séduire ! Comme j’en suis amoureux ! Mais je suis encore tout seul, certes avec mes rêves plein la tête, mais seul ; la rencontre n’a pas encore eu lieu...

Ce n’est ensuite que les choses peuvent se corser (si tout se passe bien, ce qui est en fait, désolé d’avoir à le dire, extrêmement rare !). Voilà qu’on est tous les deux, séduits l’un par l’autre, amoureux, et on se promène par ce beau jour de printemps main dans la main... Elle a dit qu'elle m'aimait !

Alors, première possibilité : le désir s’éteint net ! On a eu ce qu’on voulait, on est rassuré sur soi-même, on s’est confirmé qu’on était séduisant. Et je découvre subitement que l’autre n’est ni grande, ni belle, ni intelligente (qu’elle doit être médiocre pour s’être laissée ainsi séduire !). Donc l’histoire s’arrête là (je sais, c’est nul comme histoire...c'est pas une histoire d'amour).

Deuxième possibilité : toujours englué dans la logique du désir, je continue à trembler de finir par déplaire à l’autre, je fais attention à tout ce que je dis et je fais, j’envisage diverses stratégies pour tenter de lui cacher que je suis béatement amoureux, je développe des trésors d’ingéniosité pour la séduire encore et toujours... Je suis donc toujours en pleine inquiète quête dont je ne sais trop quel absolu fantasmagorique, en pleine lutte. Mais je n’aime toujours pas, je ne suis pas prêt à me confier ; je ne fais toujours pas confiance à l’autre tellement je n’ai pas confiance en moi. «Combien de temps vais-je encore réussir à lui plaire avant qu’elle ne découvre que je ne suis que cette pauvre petite chose transie d’amour pour elle?», telle est la question ! Et c’est là que je me retrouve radicalement dépossédé de moi-même, arraché à tout ce que j’avais laborieusement réussi à construire en moi, alors même que je n’ai justement encore rien su offrir ! Quel bordel ! Je suis là, cramponné désespérément à l’existence de l’autre tant je suis viscéralement persuadé qu’elle seule peut donner un sens à la nôtre qui n’est plus que gouffre désirant. Et tout ça pourrait bien finir par dégénérer en une véritable passion, dans toute sa splendeur et son horreur... On est en plein dans Le diable au corps de Radiguet : «Plutôt malheureux avec elle qu’heureux avec une autre» ! Oh là là ! Ça risque de faire très mal (même si ça transporte aussi sacrément de joie)...

Troisième possibilité (et c’est celle-là qui m’intéresse, qui m’intrigue et me transporte) : le désir est toujours là, je suis toujours foncièrement inquiet de risquer de déplaire à l’autre en se mouchant trop bruyamment, mais il commence à se passer autre chose. Et c’est là, suspense, que l’amour va sans doute surgir (et que ça devient difficile à raconter, parce qu’en fait, c’est indicible, et que je me dis que je n’ai peut-être pas le droit de profaner une si belle histoire en tentant de la décrire si prosaïquement)... Parce que, ce qui se passe alors, sans que je puisse encore prétendre y comprendre quoi que ce soit, c’est que, malgré le rongeant désir (oui, c'est vrai, aussi un peu grâce à lui quand même...), je commence à découvrir que la femme tant aimée, toi, tu es tout autre chose que ce que j’en avait rêvée (ô déception !), que, ô combien incroyable, tu m’offres des choses telles que je n’aurais jamais pu me les imaginer à moi tout seul (mais ça ne marche pas à tous les coups, bien sûr, c’est même terriblement rare, parce que ce n'est pas tous les jours que je te rencontre, toi, loin de là...). Alors quel transport ! Imaginez quel moment que celui où on est contraint de se dire que la réalité est bien supérieure à tout ce qu’on avait su rêver ! Alors nous sommes vraiment deux, toi et moi : toi, mon autre enfin aimée, tu n’es plus le simple pantin de mes fantasmes, tu sais résister à mes aspirations solitaires en te refusant au moule de mes délires personnels, pour m’envoyer en pleine gueule que tu es toi, bien toi, et que ta présence est un véritable présent (bon, en fait, c’est encore mieux que ça, mais je ne sais pas le dire... comment dire une rencontre pareille ?).

Et moi, bouleversé, décentré, impuissant, voilà que je n’ai plus peur ! Que craindre maintenant que tu es là, toi si débordante de toi qui as choisi de te confier à moi ? Je le sais, maintenant que je te plais, ou plutôt je m’en fous (d'accord, pas tout à fait quand même, sinon c'est encore un autre genre d'amour que je dois avouer que je connais moins...), parce que je sens bien qu’on est passé à autre chose qui me dépasse carrément même si je suis en plein dedans... Et voilà qu’en plus, simultanément, en même temps que toi, je me mets à me confier à mon tour, à me donner à toi ! Je me sens généreux de prendre tout ce que tu me donnes, de te regarder, de t’écouter, de te donner toute mon attention, de t’aimer ; et quand je sens que je te donne, quand c’est toi qui m’écoutes, c’est comme si c’était toi qui me le donnais, toi qui as transfiguré mon être au point de le rendre capable d’une telle générosité... Enfin bref, je sens bien que ça ne doit pas être très clair, mais prendre devient donner, et donner devient prendre, c'est dire combien ces deux termes n’ont alors plus aucun sens. On n’est plus du tout du tout dans l’économique, pour une fois ! Je me confie corps et âme à toi, parce que maintenant je me fais confiance, puisque je te fais confiance et que tu me fais confiance.

Je peux me donner à toi, parce que, grâce à toi (la femme), je suis devenu un cadeau... Je t'aime, quoi !

Cependant, je dois noter que ‘je ne sais toujours pas qui je suis’ et, ô désespoir, je ne saurai jamais ce qui fait que je suis moi et pas un autre... Mais les autres, vous, au moins, ne pouvez-vous pas le faire ? N'êtes-vous pas mieux placée que moi pour me connaître ? Ne pourriez-vous pas m'aider ? Pourtant, comment seriez-vous capable de saisir ma subjectivité mieux que moi-même ? Ne vous reste-t-elle pas au contraire nécessairement à jamais cachée ? D'ailleurs, ne s'agit-il pas pour vous de me reconnaître plutôt que de me connaître ? Mais que peut bien être une reconnaissance sans connaissance ? Une gratitude que vous me devriez du simple fait que je suis moi, ou bien une reconnaissance au sens où on reconnaît un terrain avant de décider de véritablement le visiter, ou bien quoi ?

C'est l'histoire, chez Hegel (Phénoménologie de l'esprit), ‘d’un homme que je laisse s’appeler Nasri et une femme X’ qui se rencontrent, chacun désirant avant tout se faire reconnaître par l'autre comme un individu conscient, un sujet irréductible à son être objectif (comme un «je», donc). Or, quel meilleur moyen de prouver qu'on est bien un sujet (et non un simple objet) que de risquer sa vie ? Ne démontre-t-on pas ainsi qu'on est un esprit au-dessus de son corps, un sujet prêt à perdre tout son être objectif (toute sa vie, tous ses «moi»), donc autre chose que simplement lui ? Alors on en arrive aux poings, on se lance dans une lutte à mort... Telle serait donc la première figure des relations humaines : le rapport de force comme moyen de se faire reconnaître dans sa subjectivité par autrui, la «lutte pour la reconnaissance».

Puis arrive le moment où l'un des deux flanche (évidemment, aucun des deux ne tient vraiment à mourir, pas fou(e), puisque ce que chacun désire fondamentalement, c'est être reconnu(e) !) : elle implore ma pitié, me supplie de lui laisser la vie sauve. Alors elle a perdu, elle est perdue : elle a reconnu qu'elle tenait plus à son être objectif, à sa vie, qu'à l'affirmation de sa supériorité intérieure, de sa subjectivité, de sa liberté ; elle a révélé qu'elle tenait plus de l'animal, esclave de son instinct de conservation, que du «véritable femme», censée maîtriser ses instincts. Et c'est ainsi qu'elle devient esclave de Nasri, puisque sa vie est entre les mains de ce dernier. Esclave de la peur de la mort, on deviendrait nécessairement esclave des autres, qui ont toujours pouvoir de vie ou de mort sur soi... Elle serait une pauvre petite subjectivité incapable de s'affirmer contre les autres, et donc condamnée à toujours dépendre d'eux...
A l'inverse, Nasri, a réussi à s'affirmer comme supérieur, comme «véritable» sujet humain, maître de sa peur instinctive de la mort : en voilà un homme, un vrai, sur les plates-bandes de qui personne n'osera jamais marcher ! Il est devenu le «maître», maître de lui-même donc maître de quiconque ne l'est pas, et, surtout, a réussi à se faire reconnaître en tant que tel.  Et quelle reconnaissance ! Une triple reconnaissance : reconnaissance de ma subjectivité (indubitablement, je ne suis pas un simple objet, mais un sacré sujet libre, un vrai héros !), reconnaissance-aveu au sens où elle n'a d'autre choix que de reconnaître sa propre faiblesse par rapport à moi, et reconnaissance-gratitude au sens où elle me doit la vie que je daigne laisser sauve, où elle me doit donc en quelque sorte tout. Quel Nasri !

Et où croyez-vous que vous ayez déjà pu vivre cette lutte vorace ? Si si, vous l'avez vécue... Je sais que vous le connaissez ce jeu si dévorant, le doux jeu de la séduction ! C'est l'histoire de deux êtres qui se rencontrent, chacun se mettant à désirer frénétiquement l'autre, désirant le séduire, le posséder afin de se sentir exister, de s'affirmer, d'être enfin reconnu dans toute sa splendeur... Et c'est parti pour l'âpre tendre lutte : on s'allume, on se résiste, on s'approche, on se retire... Et voilà qu'arrive le moment où l'un des deux succombe, radicalement séduit, subitement arraché à lui-même : il a perdu ! Et le voilà esclave, -corps et âme- possédé avec, en plus, la bénédiction du cœur... Toute sa vie est dorénavant dédiée au bien-aimé(e), suspendue à son regard... Il/elle est LE maître. (Mais, je vous rassure, l'amour ce n'est pas que ça...).

Mais est-il vraiment nécessaire d'en passer par là pour se faire reconnaître ? Les relations humaines sont-elles toujours ainsi fondamentalement ancrées dans un rapport de force ? Ne doit-on pas plutôt faire confiance à Levinas lorsqu'il déclare que "sur le visage d'autrui, est écrit «tu ne tueras point»" ? Pour te rencontrer et te reconnaître, toi l'autre, il me "suffirait" alors de savoir te regarder, de savoir voir ton visage (pas si facile...). Alors, loin d'avoir peur de ta liberté aux gros bras, ce que je découvrirais d'abord, c'est ta fragilité : il me serait si facile de te blesser, de te nier, de t'ignorer, de te tuer ! Quelle que soit la superbe objective derrière laquelle tu t'efforces de te cacher, dans ton visage, je verrais  ta radicale vulnérabilité : eh non, ne t'en déplaise, tu n'es pas cette héroïne prête à écraser tout pour t'affirmer comme sujet libre, tu es plutôt cette être vacillante qui risque à chaque instant de ne pas être reconnue, d'être ignorée par moi...  Et c'est pour ça que tu me touches, et c'est pour ça que je te reconnais. Car, ce que je reconnais alors dans ton visage, c'est que tu es toi, sujet unique infiniment fragile, absolument irremplaçable, et que je n'ai pas le droit de te détruire même si je pourrais peut-être si facilement le faire (et, avouons-le, que ça peut parfois être tentant !)...

Néanmoins, Hegel n'a pas terminé son histoire. Maintenant, X qui a capitulé, devenue esclave de Nasri à qui elle doit la vie donc tout (son être objectif), travaille pour satisfaire le moindre des désirs de son maître, tandis que ce dernier se repose peinard sur les glorieux lauriers de sa victoire. Mais ça ne va pas durer ! Progressivement, inexorablement, l'esclave (X) devient maître du maître (Nasri), tandis que le maître (Nasri) devient esclave de l'esclave (X). En effet, elle, à force de servir mes désirs, apprend à être maître de ses désirs à elle, donc maître de moi. Ce n'est pas une esclave qui se laissera passivement entraîner par ses caprices, elle sait leur résister ! En plus, à force du travail, elle acquiert des compétences et a donc de plus en plus du pouvoir sur le monde objectif, qu'elle sait de mieux en mieux transformer en fonction de ses propres fins. En bref, grâce à sa subjectivité esclave, à sa peur de perdre tout être objectif, elle finit par se construire elle-même, par acquérir de plus en plus d'être, par devenir objectivement «quelqu'un». Maintenant, elle sait ce qu'elle veut, et elle est agricultrice, médecin, cuisinière, avocate... et peut-être même philosophe (d'avoir tant réfléchi à cette liberté dont elle a été privée) ! A l'inverse, le maître (Nasri) à la subjectivité certes si forte, ce héros détaché de son être objectif, se laisse langoureusement entraîner par tous ses caprices (par exemple les gants…) sur lesquels il n'a pas la moindre maîtrise, et perd progressivement toute compétence jusqu'à devenir un pur «bon à rien», larve totalement dépendante des efforts de son esclave (la femme, gantée ou pas). Plus le temps passe, et moins il est objectivement grand-chose. Il tend à n'être plus qu'une pure subjectivité, un pur esprit, c'est-à-dire objectivement plus rien... Reconnaîtra bien qui reconnaîtra le dernier !

Et évidemment, vous l'avez compris, c'est la même chose pour la pauvre petite âme séduite, condamnée à se démener pour plaire encore et toujours à moi -son aimé de maître- qu'elle a si peur de perdre... S'habiller, se parfumer, travailler à rendre le nid d'amour de plus en plus captivant, apprendre à briller en société et ailleurs, et tout le reste encore ; en bref, elle va finir par vraiment devenir bien ! Tandis que moi, confortablement vautré dans la certitude de la conquête acquise, risque bien de finir mal... et seul ! C’est ce qui m’inquiétait quand ma relation prend fin avec une des femmes.

Il y a quand même une morale de l'histoire !!

Et c'est là qu'enchaîne (certes, quelques temps plus tard) Sartre : «l'homme n'est que ce qu'il se fait». Ce serait trop facile -- même si ce n'est pas totalement faux et fortement tentant -- de prétendre que «je» suis autre chose que mon être objectif, «mieux» que lui, pure subjectivité irréductible à ce qu'elle est objectivement, pur «je» bien plus riche que tout le «moi», et d'en déduire que je suis donc en droit de totalement négliger mon être objectif, de ne plus rien faire pour construire mon identité. Ce qui fait que je suis moi, certes c'est ma subjectivité insaisissable prête à risquer son être objectif (sa vie), mais c'est aussi et avant tout ce que je fais objectivement de moi. Eh oui, ce qui fait que je suis moi, c'est finalement aussi et surtout que je suis chercheur-ingénieur en finance ! Et n'allez pas vous tromper, ce n'est pas parce que mon "être profond" serait financier que je fais de la finance, au contraire, c'est parce que je fais de la finance que je suis financier ! Ce ne sont pas mes actes qui sont issus de mon être, mais mon être qui est issu de mes actes. Mon être n'est en fin de compte jamais que la somme des rôles objectifs que «moi» joue («je» me contente de regarder). Et c'est pour ça que j'ai intérêt à bien jouer !

---» Moralité : ce n'est pas en m'affirmant héroïquement comme conscience subjective transcendant largement mon être objectif que je serai véritablement reconnu en tant que tel, puisque je finirai alors par ne plus apparaître que comme un pur esprit orgueilleux et fumeux (pur «je») qui gonfle tout le monde. Au contraire, c'est plutôt en étant humblement et peureusement attaché à ma vie, à mon être objectif (et à ma maîtresse, bien sûr !je suis son amant.), que je serai reconnu comme subjectivité, certes à jamais inconnaissable, mais me démenant pour me construire objectivement et ayant donc quelques chances de devenir un garçon bien...

Mais mon Dieu, si je parviens à me reconnaître comme il se doit, pourquoi donc je m’ennuie et pourquoi l'ennui est-il si pénible ? Pourquoi supportons-nous si mal ces moments où le temps nous semble long, nous qui nous plaignons sans cesse d'en manquer ? Pourquoi s'obstiner ainsi à "tuer le temps" ? Pourquoi nous efforçons-nous frénétiquement de ne pas nous ennuyer en passant notre vie à nous occuper par tous les moyens possibles ? Serait-ce que nous ne sommes jamais que de grandes vacances, qu'il faut absolument occuper par autre chose que nous-mêmes ? Pourtant, le contraire d'«occupé», n'est-ce pas «libre» ? Aurions-nous peur d'être libres, ou quoi ?

«Je n'ai rien à faire», «je ne sais pas quoi faire» : je m'ennuie. Et pourtant, plus je m'ennuie, plus je me demande quoi faire, et plus je découvre que je pourrais faire des tas de choses. Et je peux même m'ennuyer tout en étant en train de faire quelque chose -- qui ne m'occupe pas. Ce qui me (pré-)occupe pour le moment, le problème, ce n'est pas que je n'ai rien à faire, mais que rien de ce que je pourrais faire ne me tente : j'ai des choses à faire, je fais, mais je n'en ai pas envie, ça ne me dit rien, ça ne m'intéresse pas... A quoi bon ? A quoi bon faire quoi que ce soit, puisque de toutes façons j'existe déjà ? A quoi bon chercher à m'occuper par quelque chose, puisque je suis déjà, même inoccupé, même vide ? Et à quoi bon faire quoi que ce soit, chercher à m'occuper par quoi que ce soit, puisque de toutes façons je finirai par disparaître ? Et voilà que surgit La question : j'existe, mais pour quoi (faire) ? Horreur!!! Que faire de moi maintenant que je suis là ?

Alors surgit le terrible doute qu'il ne suffirait pas d'exister, qu'il me faudrait en outre faire quelque chose de moi. Exigence personnelle ou commandement moral ? «Je dois faire», si je ne fais rien je suis «nul», inutile, un véritable «bon à rien». «L'homme n'est que ce qu'il se fait», me murmure, sournoisement, ce chien de Sartre ; donc... si je ne fais rien, je ne suis rien ! Et Merde ! Il faut que je me secoue ! Et voilà que j'ai honte de n'avoir rien envie de faire alors même que je pourrais faire plein de choses : serais-je une pure larve qui a reçu l'existence par pure erreur alors qu'elle ne le méritait aucunement ? Ou, c'est quand même moins grave (mais tout aussi angoissant) qui ne sait même pas comment faire pour bien exister ? "L’énoncé de possibilités qui restent en friche"

Pourtant, plus je m'ennuie ainsi, plus je me demande quoi faire, et plus je découvre que l'étendue de ce que je pourrais faire est vaste, plus je réalise que le nombre de possibilités qui s'offrent à moi est immense. Je pourrais certes finir les recherches que j'ai commencées sur les Gants, aller au cinéma, repeindre ma chambre, arranger ma collection de timbres..., mais je pourrais aussi taguer l’université, embrasser Madame ‘le Doyen’, séquestrer Mademoiselle

La Bibliothécaire

ou encore une de mes belles étudiantes... Tout n'est pas possible, mais presque ! Le choix qui s'ouvre devant moi, pour peu que je prenne le temps d'y réfléchir (de m'ennuyer en fait), est incroyablement immense ! Oh là là, je suis finalement terriblement plus libre que je ne le pensais quand les tâches quotidiennes suffisaient à m'occuper. Libre à moi de faire bien autre chose que ce que je me croyais condamné à faire. Libre à moi de faire ce que je veux de moi...  Oh là là !

Eh oui, me découvrir ainsi libre, c'est terriblement exaltant, mais terrible -- écrasant. D'abord, n'ai-je pas maintenant bien trop de choses à faire ? Comment choisir face à une telle profusion de possibilités ? Comment savoir ce que je peux faire de mieux ? N'était-il pas bien plus simple de m'en remettre à la routine et de me laisser porter par «ce qui se fait» ? Mais la routine m'ennuie, je n'en peux plus d'elle... Et, pire que tout : que je sois libre signifie que c'est à moi, et seulement à moi, de choisir : personne ne choisira à ma place ce que je veux faire de moi. Et, une fois que j'aurai choisi, c'est encore à moi de me décider à m'y mettre. A moi, au secours, à moi ! Ma tête va craquer ! Je commence par me sentir angoissé pour que je me trouve face à face avec la merde liberté qui me terrorise toujours??! Mon sentiment pourrait aussi facilement me conduire vers d’autres issues de pensée ! Je déteste la liberté (je suis cancer et je veux que la femme me prend par la main et me dicte ses conditions…En quelques sortes, voilà pourquoi je désire les femmes plus âgées que moi, ça me rassure plus et explose tout mon potentiel sentimental et intellectuel et … autre chose.) car je me trouve plus à l’aise dans un contexte très limité où tout est défini, pour que je me donne le grand plaisir de casser les barrières et franchir toutes les lignes rouges ! Je suis révolutionnaire par le coup, ah je ne suis plus timide ? Et si je le suis vraiment, pourquoi donc je craigne tant de me (re)trouver seul ?

Pourquoi aspirons-nous spontanément à la présence des autres ? Que nous apportent-ils qui nous semble si essentiel ? Pourtant, être seul, n'est-ce pas se retrouver soi-même ? Serait-ce alors que nous préférons être arrachés à nous-mêmes ? Aurions-nous peur de nous-même ? Mais comment ne pas être seul ? Suffit-il d'être entouré ?

En décembre 2001, je traitais avec une amie parisienne ‘Nadege LeGaliard’ dans le cadre de notre correspondance, la question de la sociabilité de l'homme, et elle avait plein d'arguments, des plus concrets aux plus abstraits, passant des explications d'ordre biologique (instinct de reproduction) aux explications d'ordre intellectuel (nécessité du dialogue pour chercher la vérité)  pour justifier pourquoi l'Homme a besoin des autres (c’est une bonne amie qui me manque beaucoup et que j’ai, dommage, arrêté de lui écrire en juillet’2002...). Mais quelle ne fut pas ma surprise d'entendre ma chère amie marseillaise « NadègeII », un peu plus tard, m’affirmer haut et fort que la raison essentielle du besoin des autres était sans doute qu'ils nous empêchaient d'être libres ! Un peu interloqué, je lui demandai de préciser, et découvris qu'elle avait visiblement plus durablement intégré que moi ce dont j’avais dit à propos de l'ennui, à savoir à quel point la liberté peut sembler pesante. Avoir à choisir et à décider par soi-même, être responsable de sa vie, elle jugeait que la plupart des hommes préfèrent échapper à une si lourde tâche -- sans forcément en avoir conscience --, et que c'est pourquoi ils fuient la solitude où ils sont condamnés à se prendre eux-mêmes en main, et s'efforcent d'être toujours entourés, bien ou mal, peu importe, mais entourés, pour être portés par les autres, n'avoir qu'à faire comme eux... Les autres permettent d'échapper à l'ennui en nous occupant diversement, et ils nous épargnent ainsi la découverte de notre liberté foncière, qui est aussi notre solitude foncière, conclut-elle. Tout seul, je m'ennuie, je découvre que je pourrais faire une quantité incroyable de choses mais que je ne les fais pas alors qu'il ne tient qu'à moi de choisir parmi tout ça ; avec les autres, je ne m'ennuie pas, je n'ai pas forcément grand-chose à faire mais je le fais sans l'avoir vraiment choisi, parce que c'est «ce qui se fait» quand on est avec eux. Les autres nous «occupent», nous divertissent, nous aliènent, et c'est de ça que nous leur serions reconnaissants !

Et voilà qu'il nous fallait donc reparler d'Heidegger. Il faut vivre dans le «on» (=nous), entouré d'une foule d'autres pas vraiment identifiables, parce que m'intégrer au «on» me permet de ne pas avoir à être moi, c'est-à-dire m'épargne d'avoir à me demander ce que je veux vraiment, à choisir, à décider par moi-même. Dans le «on», je ne suis jamais seul, je peux toujours compter sur les autres sans même avoir à le leur demander. On est tous ensemble dans le train-train quotidien, la routine, on va. «On», c'est tout le monde et personne, dont moi-même fais partie, et par quoi je n'ai donc qu'à me laisser porter. Mais on n'(y) est jamais vraiment soi, puisque c'est justement ce qu'on fuit, on reste dans l'impersonnel, dans l'«inauthentique». «Chacun est l'autre, aucun n'est lui-même. Le ‘on’ avec lequel la question de savoir qui est le Dasein quotidien trouve sa réponse, c'est le personne à qui tout Dasein, à peine s'est-il mêlé aux autres, s'est chaque fois déjà livré» (Heidegger, Être et temps).

Mais alors, finalement, dans le «on», ne suis-je pas plus seul que jamais, puisqu'il n'y a plus personne ? Certes, si le but était de ne pas me retrouver, il est atteint, mais s'il était de ne pas me retrouver tout seul en rencontrant les autres, on peut dire que c'est nettement raté. Sans doute faut-il alors distinguer deux solitudes ? La solitude où je suis foncièrement seul parce que je réalise comme une évidence première que personne ne pourra jamais rien décider à ma place, où je découvre donc ma liberté radicale ; et la solitude où je ne découvre rien du tout, parce que non seulement les autres, mais moi-même, n'existent plus, parce qu'il n'y a plus personne, tout le monde ayant en quelque sorte disparu en se fondant dans une masse informe, le «on». Peut-être, pour la distinguer du sentiment courant de solitude où on a surtout l'impression que les autres n'existent pas, pourrait-on nommer la première «isolement», puisqu'il y s'agit de la séparation foncière entre chacun d'entre nous, qui fait que je suis moi et pas un autre, que tu es toi et pas moi, que chacun est soi et que personne ne pourra jamais le remplacer... Être moi, c'est d'abord être irrémédiablement isolé, c'est-à-dire justement ne pas pouvoir me fondre dans les autres, même si je peux souvent me laisser absorber par le «on».

Or, paradoxalement, le seul moyen de réellement rencontrer les autres, et donc d'échapper vraiment à la solitude, ne consiste-t-il pas à d'abord reconnaître et à accepter cet isolement foncier ? N'est-ce pas seulement si je refuse d'abord de me fuir moi-même, de me fondre dans la masse, que nous pourrons effectivement être deux, être l'un avec l'autre ? Pour être deux, il faut être un et une, il faut donc nécessairement d'abord que j'existe en tant que moi séparé de l'autre, et, bien sûr, réciproquement, qu’elle aussi existe en tant qu'elle est elle et pas moi. Sinon, nous ne serons jamais deux, on ne sera plus qu'un, ou alors il risque de n'y avoir plus personne, plus qu'un «on» impersonnel notamment. En bref, c'est seulement si je renonce à ce refuge idéal pourtant si sensuel qu'est la fusion, l'identification, avec l'autre que je serai face à elle, confronté à elle, et que je pourrai peut-être entrer en contact avec elle pour échapper à ma solitude.

Pour employer les termes de Buber, pour qu'il y ait «nous» -- et non «on», il faut évidemment qu'existent «je» et «tu». D'ailleurs, c'est seulement s'il y a un «je» qu'il peut y avoir un «tu» -- et, réciproquement, c'est sans doute essentiellement parce qu'il y a un «tu» qu'il peut y avoir un «je», mais là n'est pas le propos: «tu» es celui à qui «je» parle en ce moment, «tu» te définis donc par rapport à «je»; si aucun «je» ne s'adresse maintenant à toi, alors «tu» n'es pas là, tu n'es là que comme un «elle», une troisième personne impersonnelle, relevant déjà du «on». Voilà pourquoi, parmi tant d'autres raisons, Levinas peut présenter autrui (la femme) comme essentiellement vulnérable, et moi comme d'emblée responsable d’elle : sans «je», pas de «tu» ; sans moi, pas d'autre que moi. L'autre est par essence autre, autre que moi (moi le même), si je veux le rencontrer et espérer ne plus être seul, je dois donc d'abord m'assumer moi-même en tant que foncièrement isolé.

Dans ce cas, et d’après ma chère « NadègeII », l'autre n'est plus celle qui me divertit en me permettant de fuir et moi-même et ma liberté ; au contraire, elle m'y ramène : Elle compte sur moi...

Très souvent, on m'agresse en m'assénant que la philosophie est inutile, qu'on peut très bien vivre sans elle, qu'elle ne mène qu'à se prendre la tête et à se compliquer la vie à propos de considérations oiseuses et indémontrables... A quoi sert donc la philosophie ? Et quel rapport avait-elle avec la finance que j’étudiais ? Serait-elle pure masturbation intellectuelle ? Néanmoins, être utile, est-ce vraiment un but en soi ? L'utilité serait-elle donc la valeur suprême ? L'inutile n'est-il bon qu'à mettre à la poubelle (et la philosophie et la finance et moi avec) ? Songez-y, ne serait-il pas au contraire une lettre de noblesse ?

Quand je suis d'humeur rieuse, je prends la défense de ma chère philosophie ainsi agressée en affirmant haut et fort que, la masturbation intellectuelle, ça ne mène pas à rien, ça mène à la jouissance comme la finance. Et que la jouissance intellectuelle est une des plus intenses qui soient, même si nombreux sont ceux qui l'ignorent.

Bien sûr, je ne suis pas toujours d'humeur rieuse, et je sais que c'est loin d'être une défense suffisante. Quoique... Je sais bien que l'agréable n'est pas l'utile, même si on confond souvent les deux en s'efforçant de les joindre. Justement tout ce qui n'est qu'agréable ne sert à rien : boire une bonne soda, écouter le Blues, se faire caresser par sa copine... Croyez-vous vraiment que ce soit utile ? Certes, la nature a «rusé» (bien sûr, pas au sens propre, elle n'en est pas capable, la pauvrette!) en liant l'acte de reproduction (utile s'il en est, quoique, si on va au fond des choses tant qu'on y est, le biologiquement nécessaire est-il lui-même vraiment utile à quoi que ce soit ?) au plaisir physique le plus intense, mais nous avons bien vite su comment faire pour en rejeter l'aspect utile et n'en garder que l'agréable... L'inutile, n'est-ce pas le superflu, c'est-à-dire le luxe, donc le «haut de gamme» ? «Ordre et beauté, luxe, calme et volupté», rêvait Baudelaire... L'inutile a-t-il donc vraiment si peu de valeur que ça ?

Mais défendre la philosophie (et aussi la finance que je me permets pas d’oublier) en parlant du plaisir qu'elle procure peut sans doute vous sembler saugrenu, puisque vous savez bien qu’elle est essentiellement questionnement qui ne mène qu'à se compliquer la vie, véritable prise de tête perpétuelle qui empêche de vivre paisiblement au jour le jour. Même Platon le reconnaissait : se libérer de la caverne de l'ignorance est un parcours pénible et terrifiant ! Au moins peut-être me laisserez-vous dire qu'elle sert à éclairer les esprits, à rendre moins «bête» ? Elle nous permettrait ainsi de nous détacher de la simple animalité (de devenir "vraiment humains", quoi !), en stimulant nos esprits à rechercher des valeurs purement humaines telles que la rationalité, la vérité, la liberté, la justice, le bien... idéaux précisément totalement superflus, luxueux, inutiles, par rapport à la pièce de 1 dinar à glisser dans la fente pour avoir un caddie. De l'idéal, beurk... Ce qu'il nous faut, c'est du réel bien réel. À quoi toutes ces sublimes élucubrations pourraient-elles bien servir ? A quoi bon de telles valeurs purement spirituelles, abstraites donc bien oiseuses ? Ne les aurions-nous pas tout simplement inventées pour nous distinguer, pour nous permettre, bouffis d'orgueil, d'affirmer la supériorité de l'homme sur le reste du monde ? Quelle fierté que de pouvoir se présenter comme un pur luxe que se serait offert la nature? Mais à quoi bon se fatiguer ainsi par simple fierté ? La seule chose qui nous soit vraiment utile, loin d'être d'apprendre comment vivre en "véritable" humain (ça on s'en fout carrément !), n'est-ce pas de savoir comment «réussir» concrètement sa vie donc bien remplir son caddie ?

Bon, d'accord, revenons sur terre et efforçons-nous de réussir. Mais que s'agit-il de «réussir» exactement ? Et en quoi est-ce utile ? Certes, il est psychologiquement utile à soi-même de réussir à accomplir certains de ses projets, en ce sens que cela permet de se dire qu'on n'est pas totalement nul, qu'on vaut quelque chose. Mais peut-on dire que cette confiance en soi serve à quoi que ce soit -- si ce n'est à soi, à être "fier" de soi -- ? Fondamentalement, le propre d'un être humain, n'est-ce pas justement qu'il existe pour lui-même et seulement pour lui-même ? Et non pas comme un moyen destiné à servir à une autre fin, non pas comme un outil quelconque, qui, lui, existe uniquement parce qu'il est un moyen de réaliser autre chose que lui-même, qui, lui, donc, au moins, sert vraiment à quelque chose -- d'autre que lui-même ? Eh oui, être un caddie, ça c'est vraiment utile ! Ça, c'est ne pas exister pour rien, ça c'est être réussi ! Et nous autres, pauvres personnes qui ne sommes pas des choses, voilà que Kant nous condamne à être des fins en soi, surtout pas des moyens voués à accomplir une autre fin qu'eux-mêmes. Dur ! On n'a donc jamais le droit de nous utiliser comme des moyens, c'est-à-dire de nous utiliser tout court, de nous réduire à n'être que choses utiles, qu'outils. Pas de bol, la dignité de ma personne, c'est justement que ma valeur dépasse radicalement celle de l'utilité. Je ne suis pas là pour servir à quoi que soit, je ne suis fondamentalement là que pour moi-même, gratuitement, inutilement ! Aïe !

Finalement, horreur, je suis là pour rien -- si ce n'est pour finir par disparaître, parce que ça c'est sûr, au moins en ce qui concerne mon être physique, celui qui est censé remplir ses caddies. Mais, si je suis là pour rien, n'est-ce pas que je suis là pour rien d'autre que pour moi-même ? N'est-ce pas que je suis donc libre de choisir librement ce pour quoi je veux être là -- puisque, de toutes façons, j'y suis ? Mon inutilité foncière, n'est-ce pas ça, ma liberté : n'est-ce pas à moi de me choisir mes fins, puisque personne n'a daigné me les donner de l'extérieur, ni un gentil Dieu qui aurait déterminé pour moi le sens de mon existence, ma «mission», ni les généreux autres qui justifieraient mon existence en m'intimant de me rendre utile à eux pour ne pas être là pour rien ? Néanmoins, bien sûr, je suis libre de choisir de me donner pour fin de servir Dieu ou de rendre service aux autres (d'ailleurs, c'est seulement si c'est bien moi qui l'ai choisi que je me donne vraiment à eux...). Simplement, c'est un libre choix de ma part, je ne suis pas là pour ça : je suis là pour rien, gratuitement, l'être m'a généreusement absurdement été donné, et c'est à moi de décider de le rendre utile d'une manière ou d'une autre. S'il faut se «rendre» utile, n'est-ce pas qu'on ne l'est pas d'emblée ? Et faudrait-il pour autant regretter de n'avoir pas eu la chance d'être un caddie ?

C'est amusant comme le plaisir a toujours fait frémir philosophes, managers et moralistes de tous poils... Épicure lui-même, épicurien en diable s'il en est, s'en méfie comme de la peste. Mais quoi ? Qu'on ne soit pas là pour rigoler, c'est sûr, mais cela signifie-t-il qu'il faille absolument s'abstenir de chercher à se faire plaisir ? La quête du plaisir concurrence-t-elle si viscéralement la sage raison qu'elle doive la constituer en ennemi privé numéro un ? Fait-elle nécessairement de nous des imbéciles -- même pas toujours heureux, et d'autant plus imbéciles de ne même pas savoir être heureux ? Pire encore, nous condamne-t-elle à n'être que de sales égoïstes intéressés et profiteurs ? Et pourtant, ces mêmes austères ascètes ne nous encouragent-ils pas à chercher à faire plaisir aux autres ? Le plaisir d'autrui serait donc avouable et pas le mien ?

Vous la connaissez, j'en suis sûr, votre prof. de philo favori(se) a bien dû vous la raconter au bac, cette sombre histoire des prisonniers de la caverne, enchaînés, condamnés à ne voir que les ombres projetées sur la paroi du fond, manipulés par d'habiles marionnettistes ne se gênant pas pour exploiter leur captivité (Platon - "L'allégorie de la caverne", République VI). Et vous le savez, bien sûr, que ces prisonniers, c'est nous, nous autres pauvres hommes prisonniers de notre sensibilité, rivés au plaisir, aveugles à tout ce dont nous ne pouvons jouir d'une manière ou d'une autre, prêts à nous laisser persuader par quiconque sait nous être agréable... Eh oui, pourquoi se casser la tête alors qu'il suffit de se laisser langoureusement porter par la vie pour profiter des occasions qu'elle nous offre de-ci de-là ? Se prendre la tête, s'interroger, douter, chercher, quelle angoisse et quelle humiliation (dur de soupçonner que peut-être rien n'est si simple qu'on le croyait, et pire encore, que peut-être on s'est trompé sur toute la ligne, que peut-être on n'a pas raison du tout ; sacrément éprouvant de se remettre en question) ! Et, en plus, c'est carrément inutile (c'est vrai ça, à quoi bon savoir quel genre de crunch il y a bien pu y avoir avant le big-bang ?). Surtout qu'il y en a d'autres qui le font très bien à notre place (s'ils n'ont que ça à faire, tant pis pour eux). Joindre l'utile à l'agréable, voilà tout ce à quoi nous aspirons. (A moins, évidemment, d'être un sale intello névrotiquement orgueilleux, qui ne peut jouir que du plaisir de savoir, savoir mieux que les autres, mais celui-là, c'est un véritable cas.) Et voilà dans quel triste état d'esprit la recherche du plaisir nous mettrait, d'autant plus triste que nos diverses et variées opinions toutes faites et illusions nous rendraient en effet la vie plutôt agréable, et que, notre caverne, nous y serions donc vraiment attachés.

Et en plus, quittons l'allégorie, cette hypersensibilité au plaisir nous priverait vraiment de toute liberté. Eh oui, sentir, ressentir, c'est toujours subir, être passif, pâtir (le terme "passion" ne trompe pas sur la marchandise). Qui d'entre vous oserait prétendre qu'il choisit ce qu'il ressent, ce qu'il goûte, ce qu'il aime ? Et que, lorsqu'il ressent, que ce soit de l'ordre de la souffrance ou du plaisir, de la joie, de la jouissance, cette sensation ou ce sentiment n'est pas essentiellement causé par autre chose que lui, qui ne dépend pas de lui, qu'il n'est pas touché de l'extérieur, attaché à l'extérieur, ébranlé par l'extérieur ? Oui, la rencontre tant attendue avec la bien-aimée qui me transporte de joie, malgré les trésors de séduction que j'ai développés pour la provoquer, ne dépend foncièrement pas de moi, mais d’elle (et des circonstances, bien sûr) ; sans parler du fait que, si je l'aime elle, je n'y suis pas non plus pour grand-chose, c'est bien "parce que c'était moi, parce c'était elle", et ça, puis-je honnêtement prétendre l'avoir choisie ? Même et surtout les plus grands bonheurs, je les subis. Être sensible, c'est être vulnérable au monde extérieur, aux autres, impressionnable, disponible, bref c'est pas très viril. Stoïquement se réfugier dans "sa forteresse intérieure", dans la sûre raison qui le sait, elle, que s'attacher à ce qui ne dépend pas de nous, c'est s'aliéner, voilà qui serait être vraiment libre, imperturbablement intouchable, donc indépendant de toute influence extérieure. D'autant plus qu'elle peut facilement nous le démontrer, cette chère saine raison, que rien ici-bas ne vaut objectivement la peine de mettre notre âme dans tous ses états, que seule notre propension à sensuellement nous illusionner peut nous le faire croire. "Si tu aimes un pot de terre, dis-toi que tu aimes un pot de terre ; ainsi, s'il se brise, tu n'en seras point troublé. Si tu aimes ta femme ou ton fils, dis-toi que tu aimes un être mortel ; ainsi, s'ils viennent à disparaître, tu n'en seras point troublé", élémentairement rationnel comme le montre Épictète. Ainsi, pas de doute possible, être purement raisonnable, ou au moins toujours maîtriser raisonnablement sa sensibilité pour n'être jamais ni aveuglé ni aliéné par l'insidieux plaisir, c'est ça, être vraiment sage et libre (même si c'est bien sûr en fait un peu plus compliqué).

Sachant qu'en plus, pire même que tout ce qui précède si c'est encore possible, la recherche du plaisir est carrément immorale. Elle nous rend égoïstes, intéressés, prêts à utiliser autrui sans scrupules pour peu qu'il puisse nous faire jouir d'une manière ou d'une autre. En effet, que croyez-vous qui puisse nous pousser à frapper, à torturer, à tuer autrui, si ce n'est le fait que ça nous fait plaisir au nom d'un sentiment ou d'un autre ? Elle m'a offensé ? Je me soulage en enfonçant le couteau où je sais bien qu'elle a des plaies... Elle m'a séduit ? Je jubile en le menaçant des pires choses si par inadvertance elle s'éloignait trop... Mais le plaisir est encore plus insidieux, il ne se contente pas d'intervenir avec les grandes passions, il est aussi et surtout instigateur des calculs immoraux les plus quotidiens : si je ne respecte la femme que dans l'espoir qu'elle me respecte à son tour ou que j'en aurais bonne conscience, je ne suis aucunement moral, et même honteusement immoral, puisque je ne le fais finalement que pour en tirer un profit personnel, pas du tout pour elle, altruistement, généreusement. Plus nettement mesquine encore, si je ne la respecte que par peur des représailles que j'encours au cas où je ne le ferais pas... Alors, même si j'ai sauvé les apparences et suis resté politiquement fort correct, je ne l'ai en fait absolument pas respectée, mon amie autrui, je n'ai aucunement obéi à l'impératif catégorique par lequel la grave voix de la raison s'efforce inlassablement de me rappeler à l'ordre kantien : "Agis de telle sorte que tu ne traites jamais l'humanité, aussi bien dans ta propre personne que dans celle d'autrui, seulement comme un moyen, mais toujours en même temps comme une fin". C'est que toute personne est une fin en soi, qui existe fondamentalement pour elle et rien que pour elle, qui a de la valeur par elle-même et pas par autre chose, et que, mine de rien, je lui manque de respect dès que, d'une manière ou d'une autre, j'en fais un simple moyen pour satisfaire mes fins à moi (en particulier, bien sûr, cette fin accaparante qui consiste à me faire plaisir à moi).

Évidemment, ce que je devrais faire, c'est l'oublier totalement, mon sale plaisir, pour me consacrer à la recherche de celui d'autrui. Ça, ce serait altruiste. Lui offrir une glace au chocolat quand elle en a envie, lui dire qu'elle n'est pas si bête pour la rassurer, la caresser quand elle est dans mes bras... En voilà des actions qu'elles seraient bonnes ! Et pourtant, n'est-ce pas parfaitement injuste d'encourager son plaisir à elle, et de condamner le mien (moi qui croyais avoir entendu dire qu'on était tous égaux) ? D'ailleurs, si je cherche ainsi à lui faire plaisir, n'est-ce pas toujours parce que ça me fait plaisir à moi, parce que ça m'arrange bien en fait ? Et surtout, admettons même que je sois parfaitement désintéressé -- savez-vous jamais ? --, est-ce vraiment si moral que ça, de lui faire plaisir ? Est-ce vraiment la respecter que de la bourrer de glaces au chocolat tout en la caressant voluptueusement sur le canapé dans le sens du poil ? Ne serait-ce pas plutôt l'enfoncer lâchement dans son narcissisme bientôt obèse ? Et toutes les morales, quoi qu'elles affichent, semblent bien d'accord : il ne faut pas mentir, même si c'est pour faire plaisir à autrui, parce que, en tant qu'être raisonnable, il a droit à la vérité et est de taille à l'affronter ; et gâter n'est pas respecter, loin de là -- c'est pourrir. Autrui est toujours une femme, une vraie, au même titre que moi, et dès que je commence à la chouchouter, je la traite comme un enfant (ou pire encore, comme un homme), un inférieur donc, dont je prétends savoir mieux qu’elle ce qui est bon pour elle, bref je joue à la maman, et ça, c'est pas bien du tout [pardon maman, mais c'est vrai quand même quoi]. Comme quoi, "s'aimer les uns les autres", c'est bien gentil, mais pas si gentil en fait... Mais, au moins, justice est rétablie : le plaisir de l'autre, il n'est pas meilleur que le mien, c'est toujours ça de gagné (de perdu).

---» Moralité, une fois de plus, elle a raison, la raison (normal, c'est son boulot) : si je veux être un bon homme (mais c'est pareil pour les bonnes femmes), je dois être parfaitement raisonnable et traiter autrui en être lui-même parfaitement raisonnable, faisant fi de toute sensibilité, aussi bien de son plaisir que du mien. A la limite, d'accord, reconnaissons-le, j'ai le droit de m'en préoccuper à condition qu'il ne s'oppose pas à notre dignité d'êtres doués de raison : lui (m') offrir une glace au chocolat si elle (je) manque de magnésium, lui dire qu'elle est pas si bête si elle n'est vraiment objectivement pas si bête, la caresser si nous sommes clairement mariés ou pacsés ou scotchés... Et puis, quand même, le plaisir, il peut venir, on ne peut quand même pas l'en empêcher, mais seulement après, impromptu, comme la récompense imprévue de la bonne action (mais, surtout, j'insiste, il faut qu'elle soit imprévue, inattendue, sinon, n’y a plus de bonne action, mais une action bassement intéressée -- donc, plus de récompense non plus, et c'est bien fait).

Bref, finalement, le plaisir, on peut y avoir droit (ouf...), mais si et seulement si on ne l'a pas cherché. Sinon, vous l'aurez bien cherché... Ce qui rend la raison malade, en fait, c'est qu'on en fasse un but, voire, ô désolation, LE but. Parce que là, il est vraiment mal le grandiose, il le sait bien que, face à elle, ses buts à lui, la vérité, la liberté, le bien, tous ces trucs sublimement austères, sont bien mal barrés. Mais ce qui le rend profondément malade, c'est d'être raisonnablement contraint de soupçonner que c'est peut-être bien toujours juste pour le plaisir que nous faisons tout ce que nous faisons ; parce que le pire du pire, à en perdre la raison, c'est qu'elle-même est justement capable de nous offrir les plaisirs sans doute les plus grands...

Et si on changeait de thème,…Désolé, mais là, vous n'allez pas couper à une vraie leçon de morale... Eh oui, ça fait partie de mon boulot de financer-philosophe aussi. Pourquoi est-ce que "mentir, c'est pas bien" ?!! Et pourquoi n'est-ce jamais bien, même si souvent on ment en se croyant plein de bonnes intentions, pour faire plaisir à l'autre, pour le protéger, parce qu'on l'aime... ?! Et pour tenter de résoudre cette fort rébarbative question, le pire de tout peut-être, c'est que je m'appuierai sur mon copain Kant (revu et interprété par Hermann Cohen, pour tout vous avouer, mais ça, c'est moins utile à savoir pour briller dans les salons, parce que c'est encore un illustre inconnu malgré tous mes efforts pour le traduire) un vraiment pas rigolo du tout, parce que parler de morale veut forcément dire en causer avec lui. Qu'est-ce qu'agir bien, qu'est-ce qu'agir mal ? Qu'est-ce qu'on doit faire, et qu'est-ce qu'on n'a pas le droit de faire, telles sont les vastes questions qui surgissent ici...

En général, on (moi en tout cas, vous aussi peut-être) pense qu'on a le droit de mentir, voire le devoir, quand dire la vérité (ou plutôt ce qu'on croit être vrai parce qu'on n'est jamais sûr de ne pas se tromper) risque de faire souffrir la personne à qui on la dirait, ou une tierce personne. Donc, pour l'épargner, il faudrait surtout qu'elle ne soupçonne rien, et on serait en droit de lui faire croire le contraire de ce qu'on pense être vrai... C'est qu'on considère spontanément que faire souffrir ("faire du mal" comme on dit bien mal) signifierait faire le mal, agir mal ; et donc, réciproquement, que faire plaisir ("faire du bien") voudrait donc dire agir bien. On confond ainsi sans hésitation souffrance et mal (ainsi que plaisir et bien), à condition quand même qu'il s'agisse de la souffrance (et du plaisir) d'autrui. Parce, quand il s'agit de se faire souffrir soi-même (ou de se faire plaisir), bizarrement, ce serait plutôt l'inverse...

Mais, songeons-y, n'y aurait-il pas des actions qu'on reconnaît tous comme bonnes qui font pourtant souffrir, et, réciproquement, des actions qu'on reconnaît tous comme mauvaises qui font néanmoins plaisir ? Par exemple, si je vous assène cette fort désagréable leçon de morale, n'est-ce pas pure bonté de ma part ? Et si je mets une "mauvaise" note à une "mauvaise" copie, n'est-ce pas parfaitement moral, bien que ça ne fasse pas plaisir à l'auteur de cet inoubliable écrit ? Inversement, si je mettais des "bonnes" notes à tous mes charmants étudiants, ne serait-ce pas pure démagogie parfaitement immorale bien que je leur fasse sans doute par là grand plaisir ? Et pire encore peut-être, si je ne mettais des "bonnes" notes qu'à ceux que j'aime (c'est que je ne les aime pas tous, mes étudiants, n'allez pas croire, De toutes façons je ne suis pas là pour ça) ? En d'autres termes, il semble clair, pour peu qu'on y réfléchisse un peu, qu'il faille distinguer entre bien et plaisir, et entre mal et souffrance : sans doute bien des mauvaises actions font-elles souffrir (insulter, frapper, voler, c'est sûr, ça ne fait pas plaisir à celui qui subit...), mais ce n'est pas ça qui les rend mauvaises ; inversement, les bonnes actions peuvent certes faire plaisir (aider, écouter, être équitable...), mais c'est loin d'être toujours le cas, et ce n'est donc pas ça qui en fait de bonnes actions.

D'ailleurs, ça tombe plutôt bien, parce que, faire plaisir à tout le monde, c'est carrément impossible, ne serait-ce que parce qu'on ne peut jamais savoir avec certitude ce qui fait plaisir à l'autre, tellement la notion de plaisir est subjective, et autrui compliquée. Si c'était ça, notre devoir moral, on serait bien mal barrés. Il ne peut donc pas s'agir de ça. Mais si notre devoir, ce n'est pas de faire plaisir, alors c'est quoi ? Serait-ce d'aimer, "aimer son prochaine comme soi-même", vous le connaissez sûrement vous aussi ce précepte ? Ouais, mais ne retrouve-t-on pas là le même problème : n'est-il pas totalement impossible d'aimer toutes les femmes, à moins d'avoir un coeur d'artichaut géant ? Plus encore, admettons que ce soit possible : l'amour ne pousse-t-il pas souvent à commettre des actions fort douteuses, pour ne pas dire très clairement mauvaises ? N'est-ce pas par amour que je vais me retrouver à chouchouter l'étudiante que je préfère aux autres et à mettre des "bonnes" notes à tous ses devoirs, aussi médiocres soient-ils ? Certes, je vais lui faire plaisir, mais vais-je vraiment pour autant agir bien envers elle ? N'est-ce pas en réalité le meilleur moyen que j'aie de lui faire rater son examen en toute bonne conscience (quoique j'aurais mauvaise conscience, ça j'en suis sûr) ? Ne serais-je pas en fait poussé par mon amour aveuglant à tout faire pour la faire redoubler, et la garder ainsi égoïstement auprès de moi un an de plus (c'est que c'est dur, sachez-le, ils finissent tous par s'en aller, et souvent je ne les revois plus jamais, mes chers étudiants...) ? Bref, aimer, ça ne semble pas non plus pouvoir être ce en quoi consiste notre devoir, à moins qu'on ne donne un sens très particulier à ce terme d'amour... Mais alors, mon devoir, c'est quoi ?

Mon devoir, ce n'est pas de faire plaisir, ce n'est pas d'aimer : c'est de respecter (mais oui, vous le connaissez bien aussi, ce terme-là, il pourrait même presque finir, sic, par ressembler à un mot à la mode). Nous devons absolument respecter ce qui exige de l'être, c'est-à-dire avant tout les autres femmes (et hommes), mais aussi soi-même tant qu'à faire, y a pas de raison, on est bien tous égaux, donc pourquoi faudrait-il se traiter soi-même comme un cas à part ? -- Et peut-être y a-t-il encore autre chose à respecter, mais là n'est pas mon propos, même si je peux quand même vous glisser au passage que  je ne suis pas vraiment sûr qu'il y ait fondamentalement grand chose d'autre à respecter que l'humanité et ses représentants …

Mais respecter, c'est bien gentil, ça semble très "politiquement correct" même, mais qu'est-ce que ça veut dire exactement -- puisque ça ne veut dire ni faire plaisir ni aimer ? Respecter, fondamentalement, c'est traiter un être conformément à ce qu'il est, et donc à la valeur qui découle de son être ; inversement, lui manquer de respect, c'est par conséquent le prendre pour moins que ce qu'il est. Si on l'applique à la femme, ça veut dire que respecter une femme, c'est le traiter comme une femme -- et c'est tellement évident que ça pourrait en paraître stupide, je sais, mais en fait ce n'est pas évident du tout, comme vous n'allez pas tarder à le constater, si ce n'est déjà fait.

Or, pour faire simple, l'être de toute femme, ce qui fait qu'elle est une femme et pas autre chose, et du même coup constitue sa valeur foncière, sa dignité et son égalité avec toutes les autres, c'est que c'est une être douée de raison, c'est-à-dire capable de réfléchir pour trouver la vérité et décider librement de ce qu'elle veut, au lieu de suivre aveuglément ce qu'elle ressent et de se précipiter brutalement sur la première occasion de plaisir qui passe par là. Bref, ce qui fait qu'une femme est une femme (et pas une pierre ou une scarole ou une chienne), comme le ressassent les philosophes depuis fort longtemps déjà, c'est sa raison. Donc, et c'est là que je veux en venir, ne vous égarez pas en cours de route, je sais que c'est sacrément long, mais faites un effort c'est important, respecter une femme veut dire la traiter en être douée de raison, c'est-à-dire en "vraie femme" [pas en grosse balèze molle et non poilue, vous comprenez bien que c'est pas ça que je veux dire]. Or, traiter quelqu'une en être douée de raison, ça consiste en quoi exactement ? Et voilà qu'on en arrive enfin au cœur du sujet : ça consiste à la prendre pour une être capable de contrôler ses sensations diverses et variées par sa réflexion --  c'est-à-dire pour ce qu'elle est vraiment, à savoir une femme donc, c'est ce que je me tue à vous expliquer --, et donc capable notamment de comprendre la vérité, même si elle est douloureuse ou contrariante ou complexe. Donc, y a pas de doute, il faut la lui dire, cette sacrée vérité, si on veut la respecter (et c'est ce qu'on doit faire, je vous rappelle). Eh oui, qu'elle la fasse souffrir ou pas, qu'on ait un faible pour elle ou qu'elle ait tendance à nous insupporter, notre devoir, c'est de lui dire la vérité parce que c'est une femme, une "vraie" comme toute femme, et qu'on doit respecter son humanité.

---» Moralité  (et c'est vraiment le cas de le dire), si je mens à quelqu'une, c'est que je considère mine de rien qu'elle n'est pas assez douée de raison, que je la juge soit trop bête, soit trop sensible, trop incapable de contrôler ce qu'elle ressent, pour découvrir la vérité. Bref, en fait je la prends pour une "sous-femme", inférieure à moi qui suis à la hauteur de cette vérité que je veux lui cacher, et c'est bien en cela que je lui manque de respect même si je ne m'en rends pas compte (quoique... j’aie quand même mauvaise conscience). Parce que, même si je me crois plein de bonnes intentions, cherchant à l'épargner, la protéger, peut-être parce que je l'aime, ou au moins que je compatis à sa souffrance, en réalité je suis en train de la réduire à une "pauvre" chose, incapable de se raisonner...

D'ailleurs, vous avez peut-être remarqué si vous êtes attentive, je viens du même coup de vous expliquer pourquoi mentir est aussi me manquer de respect à moi-même. Parce que je vous rappelle que je me dois aussi respect à moi-même (y a pas de raison de m'oublier comme ça), c'est-à-dire que moi aussi, je dois me traiter en être doué de raison. Dès que je me retrouve tellement entraîné par ce que je ressens que j'en oublie ma raison (non pas que je l'aie vraiment perdue, ça se perd difficilement une chose pareille), je me maltraite moi-même puisque je me comporte en être déraisonnable, donc pas vraiment en homme. Or, en général, pourquoi croyez-vous que j'en arrive à manquer de respect aux autres, si ce n'est parce que je me laisse ainsi aller à me manquer de respect à moi-même en n'étant pas raisonnable ? C'est bien parce que je me laisse entraîner par mon petit faible pour elle, ou ma compassion en égard à ses efforts acharnés, ou ma peur pour la carrosserie de ma voiture, que je vais mettre une "bonne" note à la fort médiocre copie de " Lobna " (par exemple)... Pourquoi lui mentir ainsi sinon ?

Cela dit, je le sais bien, que ce n'est jamais facile de faire ainsi abstraction aussi bien de nos propres sentiments que de ceux des autres pour entretenir des relations raisonnables, et notamment ne pas mentir ; ça pourrait même parfois sembler "inhumain"... Et pourtant, c'est le seul moyen de nous respecter tous les uns les autres. Et tel est notre devoir.

A moins que manquer de respect à quelqu'une consiste non seulement à la considérer comme "moins" que ce qu'elle est, mais aussi à la prendre pour "plus" que ce qu'elle est ?! Là, ça se corse...    

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