Matières premières, quelles perspectives quant à la frénésie haussière ?
Merci à Romain
Delacretaz
fondateur
de L'institut
de la Bourse, et trader sur le CBO.
Ces deux
dernières années, les matières premières ont enregistré une forte
poussée haussière, l'or comme le pétrole ont atteint des niveaux
record. Aujourd'hui je souhaite revenir sur cette hausse afin de vous
faire un petit point à la fois sur le marché des matières premières et
sur la manière de les traiter grâce aux options.
Donc rapidement et avant toute chose revenons sur ce qu'est
une option. Pour faire simple, une option vous permet d'acheter ou de
vendre action, indice, devise ou tout autre support (appelé
sous-jacent) à un prix défini jusqu'à une date définie. Simple d'usage,
les options offrent donc à leur détenteur le droit -- et non
l'obligation -- d'acheter ou de vendre un actif sous-jacent coté sur un
marché financier à prix fixé à l'avance et pendant une période donnée.
Pour vous illustrer cela de manière concrète je vais
reprendre l'exemple que j'ai donné dans une interview : "Les
agriculteurs ont besoin de se protéger contre les tempêtes ou les
maladies ; les producteurs de pétrole ont une nécessité vitale de se
"couvrir" contre les violentes variations des cours de celui-ci pour
avoir la garantie de vendre leur production à un prix déterminé à
l'avance. Si le pétrole est à 75$ le baril aujourd'hui, un producteur
de pétrole achètera une option de vente à 65$ par exemple. Et quelqu'un
doit bien prendre le risque de lui vendre cette assurance qui n'est --
ni plus ni moins -- que la garantie de revendre son stock de pétrole à
65$ le baril quel que soit le cours réel de celui-ci." Et c'est
là que j'interviens en tant que trader sur option.
De part ce métier et travaillant avec la Bourse de Chicago,
j'ai été sollicité pour répondre à une interview de Emilio Tomasini
pour LombardReport portant sur le rôle des options sur les matières
premières afin d'expliquer comment les professionnels les utilisent sur
le pétrole, l'or le café et les autres produits.
E.T. : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les prix
des matières premières se sont envolés ces dernières années ?
Avec un taux d'intérêt proche de zéro, les institutions ont
bon compte d'utiliser leur argent pour le faire fructifier. Si vous
analysez les hausses des actions, de l'or ou du pétrole, toutes sont
étroitement corrélées avec les taux d'intérêt qui ont été -- et sont
encore -- extrêmement bas. Cette hausse des matières premières
devrait s'arrêter en 2010 car tout l'argent (ou presque) des
institutions financières a été déversé sur ces produits de base. Cette
année sera d'ailleurs une année difficile pour tous les marchés à cause
du taux de chômage élevé.
E.T. : Quelles seront les meilleures matières
premières à traiter à long terme selon vous ?
Si on se base sur l'offre réelle et la demande réelle, on
ne peut ignorer le fait que les classes moyennes en Chine et en Inde
sont en plein essor. Avec une forte croissance pour les pays émergents,
les fondamentaux pour les produits alimentaires tels le sucre
et le cacao sont exceptionnels. A chaque fois qu'une population
s'enrichit, la demande sur le sucre et le cacao augmente, en revanche
cela devrait être le contraire pour le café car ni la Chine, ni l'Inde
n'ont l'intention d'en consommer -- à moins que nous arrivions à les
faire changer de goût sur les excellentes vertus d'un espresso...
E.T. : Comment faites-vous pour tirer profit de vos
analyses ?
J'investis et la meilleure façon d'investir est de le faire
avec mon propre argent. Le plus important pour rester en vie sur les
marchés est probablement d'arriver à gérer son portefeuille sans
émotions. Les matières premières ont des cycles saisonniers et sont
soumises à la stricte loi de l'offre et de la demande, donc en
repérant les mouvements historiques "habituels" du blé ou du pétrole on
peut investir à moindre risque de façon plus ou moins directionnelle.
Vous obtenez d'excellents résultats de cette analyse
cyclique :
par exemple, si vous aviez investi sur le gaz naturel chaque année au
mois de mars, durant les 15 dernières années, vous auriez gagné à
chaque fois.
E.T. : Vous traitez
essentiellement sur options, n'est-ce pas un peu risqué ?
J'essaie de ne pas tenir compte de l'évolution des cours
des matières premières, ce qui est difficile à comprendre, mais
croyez-moi, quand ce sont les traders de Chicago qui vous apprennent
comment profiter des marchés agricoles car depuis 1848 ils font la même
chose, il y a de quoi se poser des questions... Mais au final, ils
font tous de l'argent en protégeant les risques des producteurs et
agriculteurs, c'est du gagnant-gagnant !
Je prends des positions conservatrices dans lesquelles les fluctuations des cours interviennent peu, et ceci afin d'éviter les mauvaises surprises dues à la volatilité inhérente des marchés. L'année dernière, j'ai pu réaliser +51% de retour sur investissement sur un an.