Les armes de destruction massive de la Grèce
Merci à Cécile Chevré.
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Si vous avez ouvert un journal économique ou financier hier ou aujourd'hui, vous n'avez pas pu échapper à la Grèce. La Grèce et ses mesures de restriction budgétaire, la Grèce et ses obligations, la Grèce et l'Allemagne, la Grèce et la France, la Grèce et l'euro...
Faut-il s'inquiéter pour la Grèce ? Et de manière plus générale d'un krach obligataire mondial ? Après tout, les États sont des spécialistes de la faillite. Depuis le début du XIXe s., l'Espagne a fait faillite 13 fois, l'Allemagne et la France 8 fois, le Portugal 6 fois et la Grèce 5 fois (soit tout de même 50,5 années de faillite pour la seule Grèce). Et pourtant, ces États sont toujours bel et bien là. Les problèmes de financement de la Grèce pourraient donc rester localisés et ne pas avoir d'effet de contagion au reste des pays.
Pourtant trois facteurs nous font penser que la crise des déficits grecque pourrait s'étendre, comme celle des subprime.
La contagion
Au départ, ce n'est pas grand-chose. Comme
pour les subprime. Tout a commencé avec des soucis sur le
marché immobilier américain. Ennuyeux pour les personnes concernées,
mais pas mortel pour l'économie. Puis, la crise s'est étendue – par le
biais des titrisations de crédits – au marché des dérivés de crédits,
puis au marché actions, puis au système bancaire, puis, dans un
magnifique krach, à l'économie toute entière.
C'est ce qui se passe en ce moment. A peine les ennuis de la Grèce avaient-ils commencé que l'Italie, le Portugal, l'Espagne ou l'Irlande étaient sur la sellette. Mêmes causes (déficit, endettement), même conséquences (crainte d'une faillite). Et certains économistes, un peu plus lucides que la majorité, commencent maintenant à dénoncer ce que nous signalons depuis des années : l'endettement délirant des États-Unis ou du Japon.
La cupidité
Monsieur le Marché est maintenant habitué à un flot d'argent facile.
Il y a pris goût et il en veut toujours plus. Pouvons-nous vraiment le
blâmer ? Après tout, on a offert aux investisseurs de l'argent sur un
plateau d'argent. Ils s'en sont servis. Normal.
Aujourd'hui, les investisseurs se jettent sur les obligations grecques – l'émission d'obligations à 10 ans pour 5 milliards d'euros a été un véritable succès – les pensant vraiment sûres car garanties par la France ou l'Allemagne. Et en plus, elles offrent un attractif rendement à plus de 6%. Conclusion, comme pour les subprime, la cupidité règne sur les marchés et les investisseurs privilégient toujours le rendement à la sécurité. Ils vont se brûler les ailes avec le marché de la dette souveraine.
La malhonnêteté
C'est le plus flagrant des points communs
entre l'actuelle crise obligataire et celle des subprime. Le
système financier tout en entier repose sur l'avis émis par les agences
de notation. Elles ont estampillés "AAA" – soit normalement les
investissements les plus sûrs – les plus risqués des titrisations ou
des fonds spéculatifs, comme celui de Madoff. Elles ont préféré oublier
que les titrisations de crédits reposaient sur des crédits
ultra-risqués accordés à des ménages qui ne pourraient jamais
rembourser.
Aujourd'hui, elles feignent d'ignorer le déficit de pays comme le Royaume-Uni, le Japon ou les États-Unis. Leurs dettes souveraines se voient toujours accorder le fameux AAA. Et pourtant les signes de fissures ne manquent pas : les grands fonds se désengagent des obligations d'État et les obligations d'entreprises sont considérées par les assureurs comme bien plus sûres que les souveraines...
Par bêtise ou par malhonnêteté, les agences de notations préfèrent maintenir une apparence de sécurité sur le marché obligataire, quitte à encourager la formation d'une bulle spéculative. Et les gouvernements pour nous complaire, à nous électeurs, préfèrent continuer à nous fournir du pain et des jeux à tout prix en faisant croire que cela n'aura pas d'incidence.
Quand on met bout à bout ces trois facteurs, contagion, cupidité et malhonnêteté, le potentiel de destruction de la crise des dettes souveraines est le même que celui des subprime. Banques d'investissement, fonds spéculatifs, banques centrales, investisseurs privés... tous possèdent des obligations d'État. Un seul conseil : ne vous laissez pas tenter par les sirènes des obligations d'État. Cela va faire mal...